Une évaluation utile ne se mesure pas seulement à la qualité de son rapport final, mais à la capacité de ses résultats à être compris, partagés et utilisés. Dans le contexte sahélien précisément au Mali, où la diversité linguistique et la faible accessibilité numérique complexifient la diffusion, communiquer l’évaluation devient un acte d’apprentissage collectif et de redevabilité sociale. Cette réflexion explore des stratégies concrètes, inclusives et à faible coût pour intégrer la communication dans tout le cycle d’évaluation.
Intégrer la communication dès la conception
Lorsque la communication est planifiée dès le départ, elle renforce la participation et l’appropriation. Selon l’UNFPA (2022–2025), intégrer une stratégie de communication et de gestion des connaissances au plan d’évaluation améliore significativement la diffusion et l’usage des résultats. De même, BetterEvaluation (O’Neil, 2022) recommande d’impliquer les parties prenantes “avant, pendant et après” l’évaluation, plutôt que de communiquer seulement à la fin.
Dans plusieurs de mes missions au Mali et au Niger, la désignation de points focaux communautaires (enquêteurs et superviseurs locaux) dès la phase de collecte a permis de maintenir un dialogue continu entre mon équipe (évaluateurs) et communautés locales, un facteur clé d’appropriation et de confiance.
Adapter les formats et canaux aux publics cibles
Une communication d’évaluation efficace doit “parler le langage des publics”. Selon la National Academies of Sciences (2014), la diversité des formats, notes synthétiques, visuels, vidéos, favorise la compréhension et l’utilisation.
Dans le contexte sahélien :
Les radios communautaires et forums de discussion ou les liés de rencontres publics permettent d’atteindre des populations non lettrées ;
Les infographies simplifiées et résumés de deux pages sont adaptés aux décideurs ;
Les capsules audio et vidéos via WhatsApp sont idéales pour les jeunes et les partenaires de terrain (expériences documentées par USAID et CRS, 2020).
Les outils audio-visuels deviennent donc des leviers d’inclusion. Ils traduisent l’évaluation dans des formes accessibles à tous, au-delà des barrières linguistiques.
Valoriser la collaboration locale et régionale
La communication en évaluation gagne en efficacité lorsqu’elle s’appuie sur les acteurs locaux : radios communautaires, leaders d’opinion, autorités locales, ONG de terrain. Ces partenaires comprennent le contexte, les langues et les codes culturels. Les travaux de MEASURE Evaluation (2019) démontrent que l’implication des parties prenantes dans la diffusion des résultats renforce l’appropriation et réduit le “fossé savoir-action”.
Des initiatives africaines doivent promouvoir cette approche : en associant chercheurs, institutions publiques et communautés, elles favorisent la production et la circulation des connaissances évaluatives.
Au Mali, certaines de mes missions d’évaluations sur la paix et la cohésion sociale ont mobilisé les radios locales pour des émissions interactives où les résultats étaient débattus publiquement, stimulant ainsi l’apprentissage collectif.
Mesurer l’efficacité de la communication
Communiquer, c’est aussi évaluer sa communication. Le Gouvernementdu Canada (2023) rappelle qu’il ne suffit pas de diffuser : il faut savoir si les messages ont été compris et utilisés. Quelques questions simples peuvent guider cette évaluation :
Les destinataires ont-ils compris les messages clés ?
Ont-ils pris des décisions ou adapté leurs pratiques en conséquence ?
Les résultats continuent-ils à être cités ou utilisés plusieurs mois après ?
De petits sondages post-évaluation, des focus groups, ou encore des retours audio WhatsApp permettent de mesurer ces effets à moindre coût.
Faire mieux avec peu : stratégies à faible coût
Communiquer efficacement ne signifie pas dépenser davantage. De nombreuses approches “low cost – high impact” ont prouvé leur efficacité :
Fiches synthétiques “Cinq messages clés de l’évaluation” ;
Présentations publiques dans les communes, cercles ou régions d’étude ;
Messages vocaux de 30 secondes sur WhatsApp ou par SMS ;
Cartes visuelles illustrant les principaux résultats, inspirées des pratiques de l’American Red Cross (2020).
Ces outils simples facilitent la compréhension, réduisent les barrières linguistiques et favorisent une appropriation plus large.
Un constat clé : moins de 40 % des rapports d’évaluation sont effectivement utilisés. Selon une étude du United Nations Evaluation Group (UNEG, 2021), moins de 40 % des évaluations commanditées par les agences de développement font l’objet d’une diffusion active ou d’un suivi d’utilisation. Cette statistique illustre bien le défi : communiquer n’est pas accessoire, mais essentiel à l’impact réel de l’évaluation.
Recommandations pratiques
Inclure une ligne budgétaire “communication” dans les TDR de toute évaluation ;
Élaborer un plan de communication intégré dès la conception ;
Adapter formats et messages à chaque public ;
Collaborer avec les acteurs locaux et les médias communautaires ;
Mesurer les effets de la communication sur l’usage des résultats ;
Partager les pratiques réussies pour renforcer les capacités du secteur.
Conclusion et appel à discussion
Dans le contexte sahélien comme celui du Mali, bien communiquer, c’est prolonger la vie de l’évaluation. C’est transformer un exercice technique en processus participatif de transformation sociale et d’apprentissage collectif. L’évaluateur devient un facilitateur de sens, et la communication, un pont entre connaissance et action.
Et vous ? : Comment vos équipes d’évaluation intègrent-elles la communication dès la conception pour renforcer l’apprentissage et l’utilisation des résultats ?
RE: Beyond the final report: What does it take to communicate evaluation well?
Mali
Abdramane KONE
Consultant évaluateur
Cabinet Fété Impact Developmnt
Posté le 29/10/2025
Une évaluation utile ne se mesure pas seulement à la qualité de son rapport final, mais à la capacité de ses résultats à être compris, partagés et utilisés. Dans le contexte sahélien précisément au Mali, où la diversité linguistique et la faible accessibilité numérique complexifient la diffusion, communiquer l’évaluation devient un acte d’apprentissage collectif et de redevabilité sociale. Cette réflexion explore des stratégies concrètes, inclusives et à faible coût pour intégrer la communication dans tout le cycle d’évaluation.
Lorsque la communication est planifiée dès le départ, elle renforce la participation et l’appropriation. Selon l’UNFPA (2022–2025), intégrer une stratégie de communication et de gestion des connaissances au plan d’évaluation améliore significativement la diffusion et l’usage des résultats. De même, BetterEvaluation (O’Neil, 2022) recommande d’impliquer les parties prenantes “avant, pendant et après” l’évaluation, plutôt que de communiquer seulement à la fin.
Dans plusieurs de mes missions au Mali et au Niger, la désignation de points focaux communautaires (enquêteurs et superviseurs locaux) dès la phase de collecte a permis de maintenir un dialogue continu entre mon équipe (évaluateurs) et communautés locales, un facteur clé d’appropriation et de confiance.
Une communication d’évaluation efficace doit “parler le langage des publics”. Selon la National Academies of Sciences (2014), la diversité des formats, notes synthétiques, visuels, vidéos, favorise la compréhension et l’utilisation.
Dans le contexte sahélien :
Les outils audio-visuels deviennent donc des leviers d’inclusion. Ils traduisent l’évaluation dans des formes accessibles à tous, au-delà des barrières linguistiques.
La communication en évaluation gagne en efficacité lorsqu’elle s’appuie sur les acteurs locaux : radios communautaires, leaders d’opinion, autorités locales, ONG de terrain. Ces partenaires comprennent le contexte, les langues et les codes culturels. Les travaux de MEASURE Evaluation (2019) démontrent que l’implication des parties prenantes dans la diffusion des résultats renforce l’appropriation et réduit le “fossé savoir-action”.
Des initiatives africaines doivent promouvoir cette approche : en associant chercheurs, institutions publiques et communautés, elles favorisent la production et la circulation des connaissances évaluatives.
Au Mali, certaines de mes missions d’évaluations sur la paix et la cohésion sociale ont mobilisé les radios locales pour des émissions interactives où les résultats étaient débattus publiquement, stimulant ainsi l’apprentissage collectif.
Communiquer, c’est aussi évaluer sa communication. Le Gouvernement du Canada (2023) rappelle qu’il ne suffit pas de diffuser : il faut savoir si les messages ont été compris et utilisés. Quelques questions simples peuvent guider cette évaluation :
De petits sondages post-évaluation, des focus groups, ou encore des retours audio WhatsApp permettent de mesurer ces effets à moindre coût.
Communiquer efficacement ne signifie pas dépenser davantage. De nombreuses approches “low cost – high impact” ont prouvé leur efficacité :
Ces outils simples facilitent la compréhension, réduisent les barrières linguistiques et favorisent une appropriation plus large.
Un constat clé : moins de 40 % des rapports d’évaluation sont effectivement utilisés. Selon une étude du United Nations Evaluation Group (UNEG, 2021), moins de 40 % des évaluations commanditées par les agences de développement font l’objet d’une diffusion active ou d’un suivi d’utilisation. Cette statistique illustre bien le défi : communiquer n’est pas accessoire, mais essentiel à l’impact réel de l’évaluation.
Dans le contexte sahélien comme celui du Mali, bien communiquer, c’est prolonger la vie de l’évaluation. C’est transformer un exercice technique en processus participatif de transformation sociale et d’apprentissage collectif. L’évaluateur devient un facilitateur de sens, et la communication, un pont entre connaissance et action.
Et vous ? : Comment vos équipes d’évaluation intègrent-elles la communication dès la conception pour renforcer l’apprentissage et l’utilisation des résultats ?