Posté le 17/09/2020
Chers Paul et Bassirou,
Merci d'avoir soulevé des questions très pertinentes. Dans ma pratique de l'évaluation, j'ai vu la gestion des connaissances comme ne faisant pas partie de la programmation ou comme travaillant séparément (ou devrais-je dire "à distance", le slogan actuel !) de la fonction de S&E, les jumeaux communiquant à peine entre eux. J'espère et je souhaite le succès de votre initiative/expérience visant à les regrouper au sein d'une seule unité ou à initier une forme de convergence. Comme vous le reconnaissez tous les deux, la gestion des connaissances et le S&E ont des rôles différents et des compétences requises différentes. Des synergies sont possibles, mais les tensions sont inévitables. La manière dont elles sont gérées dans un processus d'intégration déterminera son succès et son efficacité. Il va sans dire qu'une répartition cohérente des rôles et des lignes de communication claires entre les différents membres de l'"unité unique" seraient la clé du succès. D'autant plus que les données de suivi et d'évaluation sont susceptibles d'alimenter les processus de gestion des connaissances. Parfois, la gestion des connaissances est sélective en termes de communication de certains éléments de suivi et d'évaluation, ce qui peut également créer des points de friction pour les membres de l'équipe de suivi et d'évaluation indépendants. Parfois, la gestion des connaissances exige des "histoires de réussite" de la part des équipes de S&E et des programmes. Inversement, pour une équipe de suivi et d'évaluation et un programme, la fonction de gestion des connaissances est cruciale pour l'adoption et le changement de comportement (généralement des résultats au niveau des résultats), et on s'attend donc à ce que la gestion des connaissances ait les capacités nécessaires pour relayer les preuves par le biais d'infographies conviviales et d'autres outils, en utilisant les médias traditionnels, sociaux et nouveaux pour mieux atteindre le public cible. En outre, une équipe de programme et de suivi et d'évaluation s'attendrait à ce que la communication soit cohérente et continue afin d'accroître la durabilité des messages et de maintenir la dynamique de l'adoption du programme. La gestion des connaissances peut percevoir cette attente comme quelque peu exagérée et les tensions qui en découlent doivent donc être gérées. Je suis sûr que vous êtes conscient de tous ces problèmes et que vous êtes en bonne voie pour parvenir à une convergence raisonnablement harmonieuse de la gestion des connaissances et du S&E, ce qui n'en constitue pas moins un défi.
Je vous remercie et vous souhaite bonne chance,
Ravi
United Kingdom
Ravinder Kumar
Associate Professor - Monitoring and Impact
Natural Resources Institute, University of Greenwich
Posté le 15/12/2023
Merci beaucoup Daniel pour votre réponse réfléchie, stimulante et inspirante. Vous avez vraiment mis le doigt sur l'essentiel. Le fait est que les indicateurs de performance actuels de l'agroécologie ne tiennent souvent pas compte du type d'approche multifonctionnelle et des avantages de l'agroécologie. Il semble évident que nous avons besoin d'approches harmonisées (comme l'a indiqué Jilian) et en même temps adaptées au contexte, qui puissent mesurer de manière adéquate les performances des systèmes agroécologiques en matière de réduction de la pauvreté, de santé humaine et d'environnement. Les nombreux exemples que vous avez cités et l'histoire d'un agriculteur inspirant (M. Zepheniah Phiri) sont tous révélateurs du potentiel de l'agroécologie si elle est bien comprise et mise en œuvre. Dans de nombreux débats universitaires, l'agroécologie est citée comme un programme politique des militants anticapitalistes et de la désindustrialisation. Il est clairement nécessaire de prouver que la poursuite de l'agroécologie vaut tous les investissements qui sont actuellement entrepris. Votre contribution apporte une réponse utile aux arguments qui remettent en cause la nécessité de l'"agroécologie". Nous devons améliorer notre compréhension et notre application de l'agroécologie, ainsi que les approches multifonctionnelles pour mesurer la "valeur" de l'agroécologie. Il y a du chemin à faire, en effet !
Merci et bonne chance,
Ravi
United Kingdom
Ravinder Kumar
Associate Professor - Monitoring and Impact
Natural Resources Institute, University of Greenwich
Posté le 20/11/2023
Chers participants,
Merci pour vos contributions. Voici mes réponses et je suis impatient de recevoir d'autres idées et expériences de votre part et de la part des membres de la communauté d'Evalforward.
Jillian, merci d'avoir partagé cet article extrêmement pertinent analysant et résumant les évolutions dans le domaine de la mesure des transitions agroécologiques au sein des exploitations/des ménages et au niveau des paysages/des systèmes alimentaires. Cet article est absolument incontournable pour les personnes qui travaillent au croisement de la mise en œuvre, de la recherche et de la mesure des impacts agroécologiques. Comme l'affirme cet article, «il n'y aura jamais d'instruments ou de cadres parfaits d'évaluation de l'agroécologie qui satisferont tous les objectifs dans tous les contextes possibles», c'est pourquoi nous devons discuter et débattre des différentes perspectives et expériences autour des principales questions relatives aux expériences/innovations méthodologique en cours dans différents contextes (y compris la mesure de l'agroécologie au niveau du paysage/système alimentaire qui est moins courante selon l'article) mais aussi de toutes les preuves empiriques qui montrent/réfutent la valeur de l'agroécologie. Il serait très intéressant d'entendre de telles perspectives/expériences de la communauté d'Evalforward.
Dushyant, merci d'avoir proposé l'idée selon laquelle il est possible d'utiliser des données satellitaires au niveau du village/de l'exploitation pour suivre les changements en matière de transitions agroécologiques au niveau de l'exploitation. Cela a attisé ma curiosité et je serais très heureux s'il vous était possible de partager un exemple de réalisation à cette échelle (exploitation/village). Ce serait très utile aux responsables de programme/chercheurs/professionnels dans le domaine du suivi-évaluation pour comprendre ce qui a été réalisé et comment cette approche peut être appliquée pour suivre les transitions agroécologiques.
Dario, merci d'avoir résumé l'utilité de TAPE pour comprendre les transitions agroécologiques et produire des données justifiant la contribution de l'agroécologie dans les domaines de la pauvreté, de la santé humaine et de l'environnement. Dans le cadre du projet de dispositif de recherche sur la nutrition, nous nous sommes considérablement inspirés de TAPE pour développer notre méthodologie d'évaluation des interventions d'agroécologie au sein d'un programme de l'Union européenne à Madagascar. Il s'agit d'une recherche quasi-expérimentale (approche des doubles différences) pour laquelle une étude de référence a été réalisée en 2022 et nous envisageons de mener une étude de fin en 2024-2025 pour voir les effets des interventions d'agroécologie. Hormis une enquête réalisée auprès des ménages (n=1695), nous avons déployé une approche qualitative pour comprendre tous les facteurs qui entravent ou favorisent l'agroécologie au niveau des exploitations ou des systèmes alimentaires. Dans le contexte malgache, ces facteurs sont les suivants: la précarité de la propriété foncière, la fragmentation des terres et les conflits, la mauvaise qualité et le coût élevé des intrants agricoles (semences, produits agrochimiques), l'insécurité et le vol des cultures et du bétail, le pouvoir de collectivisation et de négociation limité des producteurs, les solutions limitées en matière de stockage, le manque de fumier, la faiblesse des liens financiers et l'endettement des producteurs ainsi que le faible niveau d'autonomisation des femmes (organisation, opportunités et réalisations). Ces difficultés et beaucoup d'autres rencontrées par les producteurs limitent leur capacité à appliquer les principes et les pratiques d'agroécologie. L'une des principales réflexions de cette recherche est que les contraintes pesant sur l'adoption de l'agroécologie doivent être levées pour lui permettre d'obtenir des résultats dans les domaines de la pauvreté, de la santé humaine et de l'environnement. Il sera indispensable de comprendre les défis spécifiques au contexte et de trouver des solutions adaptées. Nous devons donc nous demander si les programmes d'agroécologie sont conçus de manière souple et systémique afin de comprendre ces défis spécifiques au contexte et d'y répondre.
Ram, merci pour vos réflexions très utiles au débat et aux discussions en cours. Les cadres de pointage local, inclus également dans la méthodologie TAPE de la FAO, sont une excellente idée. Nous avons utilisé dans notre recherche à Madagascar la méthodologie du cadre de pointage local dans les groupes de discussion pour plusieurs éléments d'agroécologie tels que la résilience, la synergie, le bien-être et les droits des travailleurs agricoles, etc. Pour l'enquête auprès des ménages, une sorte de cadre de pointage local est également utilisée comme barème à cinq points permettant d'évaluer les différents aspects de l'agroécologie. Cela a été utile pour quantifier le statut des transitions agroécologiques. Nous envisageons d'utiliser de nouveau la méthodologie des cadres de pointage local en 2024-2025 lors de la mise en œuvre de la recherche finale à Madagascar et nous serons donc à même d'évaluer dans quelle mesure ces transitions agroécologiques ont lieu et, plus important encore, comment ces transitions (si elles sont en cours) contribuent à la réduction de la pauvreté, à la santé humaine et à l'environnement. Nous reviendrons sur ce forum pour partager les résultats de cette recherche.
En ce qui concerne vos autres questions, il sera intéressant de connaître vos expériences, notamment comment et où vous avez utilisé ces indicateurs et ce qu'indiquent les résultats en termes de valeur ou d'intérêt des interventions liées à l'agroécologie, car c'est également l'un des points faisant l'objet de cette discussion.
Merci infiniment à Expedit d'avoir partagé son expérience et à Abdoulaye d'avoir renforcé le message quant à la valeur de TAPE. Il est intéressant d'apprendre que vous avez utilisé TAPE dans différentes études au Bénin. Ce serait vraiment formidable que vous partagiez d'autres éléments sur ces expériences, telles que les adaptations que vous avez dû appliquer à TAPE pour répondre aux spécificités du contexte et les preuves empiriques obtenues pour prouver/réfuter l'intérêt des interventions liées à l'agroécologie. Ces réflexions apporteraient des enseignements utiles à cette communauté pour comprendre et concevoir de meilleures méthodologies de mesure de l'agroécologie.