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Les grands projets sont-ils efficaces dans un monde complexe? Pourquoi la taille seule ne suffit pas pour réussir.

Posté le 21/08/2025 by Ram Khanal, Chamisa Innocent
Ram Khanal

Dans le monde du développement international, la taille d'un projet est souvent considérée équivalente à son importance. Des budgets plus importants, une cible plus large, des partenariats multi-acteurs sont supposés se traduire par un impact plus fort. Toutefois, la taille signifie-t-elle nécessairement la réussite dans un monde complexe qui évolue? Une discussion récente entre des professionnels du développement, des évaluateurs et des universitaires sur EvalforEarth a apporté de nouvelles perspectives à ce débat. 

Dans le monde du développement international, la taille d'un projet est souvent considérée équivalente à son importance. Des budgets plus importants, une cible plus large, des partenariats multi-acteurs sont supposés se traduire par un impact plus fort. Toutefois, la taille signifie-t-elle nécessairement la réussite dans un monde complexe qui évolue? Une discussion récente entre des professionnels du développement, des évaluateurs et des universitaires sur EvalforEarth a apporté de nouvelles perspectives à ce débat. Les réflexions collectives soulignent que si la taille du projet a un impact sur ses réalisations, elle ne détermine pas, à elle seule, la réussite. Des facteurs essentiels tels que la pertinence par rapport au contexte, les structures de gouvernance, l'implication des communautés et la capacité à s'adapter jouent également des rôles centraux.

Comprendre les limites structurelles

De nombreux participants ont noté des limites structurelles récurrentes dans les projets de grande taille. De nombreuses critiques ont été exprimées, notamment concernant le décalage entre des théories du changement ambitieuses et l'engagement local limité dans des évènements courts et ponctuels supposés réaliser des objectifs de long terme, tels que la sécurité alimentaire. Des coûts de transaction élevés ont été soulignés, compte tenu des structures de gestion à plusieurs niveaux qui absorbent des ressources importantes et réduisent ainsi les fonds qui atteignent les communautés. La participation communautaire est souvent inappropriée, se réduisant dans la plupart des cas à la phase de conception, au lieu d'être intégrée tout au long du cycle de vie du projet. Les grands projets ont également tendance à adopter des cadres mondiaux qui ne sont pas adaptés aux réalités locales, avec pour conséquence une appropriation et une participation limitées au niveau des communautés.

Les difficultés de gouvernance sont apparues comme les plus préoccupantes. Des conceptions de projets trop complexes, souvent influencées par les programmes des bailleurs de fonds et leur besoin de visibilité, peuvent entraver la coordination entre les acteurs locaux et affaiblir les résultats. Les grands projets sont également plus susceptibles d'être accaparés par les élites, au sein desquelles les ressources et l'influence sont concentrées entre ceux qui détiennent le pouvoir, en mettant de côté les véritables efforts de développement communautaire. En outre, la nature contractuelle des emplois dans les grands projets conduit à la discontinuité des connaissances et à la perte de mémoire institutionnelle, ce qui affaiblit encore l'impact de long terme.

Quand "la grande taille" fonctionne et pourquoi.

La conversation a également reconnu que les grandes interventions pouvaient réussir dans de bonnes conditions. Des investissements de forte densité et concentrés localement en Inde ont été cités comme des modèles efficaces. De la même manière, une initiative d'irrigation à grande échelle en Afghanistan, combinant le développement des infrastructures, le renforcement des capacités et les avantages environnementaux, a été louée pour son approche concertée et intégrée. Les discussions ont montré que l'efficacité dépend également fortement de la nature de l'intervention: si les grands projets sont bien adaptés pour les infrastructures et les réponses humanitaires, ils ont souvent eu du mal dans des secteurs qui demandent une transformation comportementale et institutionnelle plus profonde, comme l'agriculture et les systèmes alimentaires.

Contexte, continuité et capacité: les facteurs de réussite

Un thème récurrent concerne l'importance de l'adaptation des interventions au contexte, à la culture et aux priorités locales. La comparaison des initiatives de micro-finance au Bangladesh et en Chine ont largement illustré ce point. Les modèles axés sur les communautés au Bangladesh ont obtenu un succès durable, alors que les modèles de type descendant en Chine ont échoué en raison d'une adaptation culturelle insuffisante et du manque d'adhésion des communautés.

L'attention aux besoins et à l'appropriation locale et la prise en compte des dynamiques d'égalité et de pouvoirs sont apparues des facteurs de réussite essentiels. Les projets doivent être conçus conjointement aux parties prenantes locales, en garantissant l'adaptation culturelle et la pertinence contextuelle. En outre, une évaluation des connaissances locales tacites, en renforçant les institutions locales et en promouvant l'apprentissage adaptatif, ont été considérés fondamentaux. Des structures et des mécanismes solides de gouvernance pour la rétention et le transfert des connaissances ont également été soulignés comme étant essentiels pour la durabilité.

Des difficultés relatives aux systèmes de suivi et évaluation descendants et largement quantitatifs ont été notées, en mettant en avant la nécessité d'approches plus qualitatives pour appréhender les facteurs de changements comportementaux et psychologiques, afin de permettre un apprentissage en temps réel et d'ajuster la trajectoire.

Du «grand contre petit» à des approches ciblées et centrées sur les personnes

La discussion s'est conclue sur un message clair: le débat ne concerne pas simplement l'opposition entre petits et grands projets. La réussite dépend de la manière dont les projets sont conçus et mis en œuvre et pour qui. La conception conjointe avec les communautés, en contextualisant les interventions par rapport aux réalités locales et en investissant dans des systèmes et des capacités locales est essentielle pour obtenir des résultats significatifs et durables. Dans cette époque de restriction des budgets de développement et de complexité croissante, l'efficacité dépendra de nombreux facteurs interdépendants, pas uniquement de la taille du financement.